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Page d'Histoire

Il était une fois ... l'Aube

Même si nos recherches nous amènent instinctivement à notre histoire personnelle et celle de nos propres ancêtres, tout est lié et une petite page d’Histoire de l’Aube s’impose.

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Saint-Loup arrêtant Attila devant Troyes

Les plus anciens habitants du territoire qui a formé le département de l’Aube – dont l’histoire ait conservé le souvenir – sont les Tricasses (Tricassini) à l’ouest, et les Lingons à l’est. Les premiers, établis entre les Lingons et les Sénons, suivirent le sort de ces derniers et partagèrent leurs destinées. Avec eux ils prirent Rome (sauf le Capitole) vers l’an 400 avant Jésus-Christ, et, comme eux, ils donnèrent leur nom à une ville de l’Italie, à Troja (autrefois Traecae), dans la Capitanate (royaume de Naples).

Antérieurement à la conquête des Gaules par Jules César, qui eut lieu entre 58 et 50 ans avant notre ère, la cité des Tricasses, Traecae, aujourd’hui Troyes, avait assez d’importance pour frapper monnaie. Toutefois, le conquérant n’en fait pas mention dans ses Mémoires ; mais Pline l’Ancien nomme les Tricasses parmi les peuples de la Gaule. La domination romaine fut douce envers les Tricasses, dont la cité, qui prit le nom d’Augustobona, fit partie d’abord de la Ire Lyonnaise, puis, vers 360, de la IVe Lyonnaise, ou Lyonnaise-Sénonaise.

L’Évangile y fut prêché, dès le milieu du troisième siècle, par saint Potentien et saint Savinien, prêtres grecs originaires de Samos. Saint Parre ou Patrocle fut l’un des premiers martyres de la foi nouvelle en l’an 259. Peu de temps après, sainte Jule et vingt notables de la cité des Tricasses subirent également le martyre. Mais là, comme partout ailleurs, la persécution eut son effet ordinaire ; la communauté du Christ devint bientôt assez nombreuse pour être administrée par des évêques, dont saint Amateur fut le premier (340).

Toute la contrée qui forme le département de l’Aube avait été ravagée, en l’an 286, par les Bagaudes ou Vagaudes, troupe de vagabonds et de mécontents qui, vers 257, commencèrent à se révolter contre les empereurs romains et parcoururent la Gaule, mettant tout à feu et à sang. Vainqueur des Allemans, l’empereur Julien, qui n’était alors qu’associé à l’empire, vint à Troyes avec toute son armée, et, après avoir éprouvé une faible résistance, il s’en fit ouvrir les portes (360).

Un des plus grands évêques de Troyes, saint Loup (529-579), y établit des écoles renommées et put, par son ascendant et l’autorité de son caractère, préserver sa ville épiscopale de la présence et de la fureur d’Attila et de ses Huns. Les Huns venaient d’être repoussés d’Orléans au moment même où ils commençaient à la piller. Ils se retirèrent par la Champagne qu’ils avaient déjà traversée. « Ils étaient devant Troyes, dit M. Guizot ; l’évêque saint Loup se rendit au camp d’Attila et le supplia d’épargner une ville sans défense, car elle n’avait ni murs ni soldats. Soit ! lui répondit Attila, mais tu viendras avec moi et tu verras le Rhin ; je te promets de te renvoyer alors. Prudent et superstitieux, le barbare voulait garder le saint homme en otage. » C’est après cette entrevue qu’Attila aurait, dit-on, fait massacrer le diacre Mesmin.

Les Huns furent encore arrêtés dans les plaines voisines de Troyes, appelées Champs catalauniques ou de Mauriac (aujourd’hui Méry ?), au cinquième milliaire, c’est-à-dire au onzième kilomètre de Troyes, dit une chronique découverte au Danemark. Quand arrivèrent l’armée romaine et les troupes alliées, au nombre desquelles se trouvaient les Francs commandés par Mérovée, Attila fut obligé d’accepter le combat (451). Il fut complètement défait. « Ce fut, dit Jornandès, une bataille atroce, multiple, affreuse, acharnée, telle que l’Antiquité n’en raconte aucune semblable. » Selon les uns, trois cent mille hommes, selon les autres, cent soixante-deux mille restèrent sur le champ de bataille. Le roi des Wisigoths, Théodoric, y fut tué. La bataille de Mauriac chassa les Huns de la Gaule, et fut dans ce pays la dernière victoire remportée encore au nom de l’Empire romain, mais en réalité au profit des nations germaniques qui l’avaient déjà conquise.

En effet, un siècle ne s’était pas écoulé que Clovis, roi des Francs, s’emparait de la plus grande partie du territoire de la Gaule et en particulier de Troyes (484), ainsi que de tout le pays environnant, qualifié, à partir du cinquième siècle, de Champagne (Campania), à cause de ses immenses plaines crayeuses. Lors du partage des possessions de leur père par les fils de Clovis, la Champagne fut attribuée au royaume d’Austrasie dont Metz fut la capitale (511).

Cette province eut à souffrir des luttes sanglantes auxquelles donna lieu la rivalité des deux reines ennemies, Frédégonde et Brunehaut. Frédégonde était reine de Neustrie et Brunehaut d’Austrasie. Cette dernière eut souvent à lutter contre ses leudes, et l’un d’eux, Wintrio, duc de Champagne, qui, après s’être déclaré en sa faveur, conspirait contre elle, fut mis à mort par son ordre (598).

Les Sarrasins de l’Espagne, en 720, les Normands, en 889, s’emparèrent de Troyes, la réduisirent en cendres et pillèrent toute la contrée environnante. Au dixième siècle, les Normands reparurent une seconde fois, mais ils furent éloignés par l’évêque de Troyes, Ansegise. Cet évêque, profitant de l’ascendant que cet heureux résultat lui donnait sur ses concitoyens, essaya de supplanter le comte Robert, qui parvint à chasser de Troyes l’usurpateur. En vain l’évêque réclama-t-il le secours de l’empereur d’Allemagne, Othon, et vint-il avec une armée de Saxons mettre le siège devant la capitale du comté, il fut repoussé et contraint de se retirer.

Vers le commencement du douzième siècle, deux importants monastères furent fondés sur le territoire compris dans les limites du département, l’un à Clairvaux (1114), par saint Bernard, « le plus éloquent, le plus puissant et le plus pieusement désintéressé des chrétiens de son temps », dit M. Guizot ; l’autre au Paraclet, par son illustre rival, Abélard, et dont Héloïse fut la première abbesse. Le premier se fit remarquer par son éloquence au concile de Troyes, en 1128, et par sa prédication de la seconde croisade (1147), qui n’eut aucun résultat et dont l’issue fut désastreuse.

En 1229, la reine Blanche de Castille, accompagnée de son fils Louis IX, accourut au secours de Thibaut IV, comte de Champagne, assiégé dans Troyes par les hauts barons révoltés contre le pouvoir de la régente. Le siège fut levé, mais, l’année suivante, les assiégeants revinrent avec des secours que leur accorda le roi d’Angleterre. Cette fois Thibaut fut vaincu. Il implora encore l’aide de la régente et du roi qui conclurent la paix pour lui, mais à la condition qu’il prendrait la croix. L’expédition du comte de Champagne eut lieu au mois d’août 1239 ; mais elle fut aussi inutile que la précédente.

Vers ce temps commence la grande renommée des foires de Troyes où les marchands accouraient de tous les points du monde. Leur importance ne décrut qu’au seizième siècle, à la fin duquel elles disparurent pour être autorisées de nouveau en 1694. La réunion de la Champagne à la couronne, qui fut définitive en 1361, était, d’ailleurs, désirée par les populations, comme le prouve le fait suivant. En 1328, le roi Philippe VI dit le Long, ayant donné à Philippe de Croï la ville de Bar-sur-Aube, les habitants la rachetèrent à ce dernier et la donnèrent de nouveau au roi, mais à la condition qu’elle serait désormais inaliénable.

Pendant la guerre de Cent ans et le règne déplorable de Charles VI, dont la femme, Isabeau de Bavière, et les oncles exploitaient la folie pour ruiner la France, le Parlement de Paris fut transféré à Troyes, en 1418, et, en 1420, l’un des plus honteux traités de notre histoire y fut signé par Charles VI et le roi d’Angleterre, Henri V. Par cet acte, le roi de France déshéritait son fils et donnait au roi d’Angleterre sa fille et la France. Heureusement pour notre gloire nationale et pour notre indépendance, le Dauphin, qui monta bientôt sur le trône sous le nom de Charles VII, ne désespéra pas de sa cause. Il luttait mollement, il est vrai, quand une humble bergère, Jeanne d’Arc, inspirée par des voix divines, vint à son secours ; et, ranimant par sa parole et par son exemple les courages défaillants, elle mena le roi d’Orléans à Reims, pour l’y faire sacrer. Cette héroïne, dans l’accomplissement de sa glorieuse mission, vint mettre le siège devant Troyes, et les bourgeois lui ouvrirent les portes au moment même où elle se préparait à l’assaut (9 juillet 1429).

La ville de Troyes fut la première à reconnaître le Dauphin (Louis XI) pour roi de France. Pendant près de six ans les Troyens s’efforcèrent de replacer sous l’autorité du roi les contrées comprises entre l’Yonne et la Marne. Par le traité d’Arras, Bar-sur-Seine et son comté firent partie de la Bourgogne et eurent jusqu’en 1789 leurs députés aux États de cette province, la Champagne étant alors pays d’élection. Les guerres de Louis XI contre les ducs de Bourgogne, eurent souvent pour théâtre les confins de cette province et de celles de Champagne. Troyes était alors le quartier général du roi de France.

La Champagne fut plusieurs fois encore envahie, notamment pendant les guerres de l’empereur Charles-Quint et de François Ier. Les troupes impériales incendiaient tout sur leur passage. Le fanatisme ensanglanta diverses villes du département pendant les guerres civiles religieuses du seizième siècle. La Saint-Barthélemy (1572) y fit trop de victimes. La Ligue domina à Troyes à partir de 1588 et la plupart des villes n’ouvrirent leurs portes à Henri IV qu’après son abjuration (1593-1594).

Aucun événement digne d’une mention, si ce n’est l’exil du Parlement de Paris à Troyes (1787), n’eut lieu dans cette région jusqu’à la réunion des États généraux en 1789. Le département de l’Aube fut constitué tel qu’il est encore aujourd’hui par le décret de l’Assemblée nationale du 15 janvier 1790. Bien que terre natale de Danton, le département resta en dehors de la grande tourmente révolutionnaire. Pendant le règne de la Terreur, il jouit d’une assez grande tranquillité. A la fin du règne de Napoléon ler, qui était sorti de l’école militaire de Brienne, des combats gIorieux pour nos armes, mais inutiles, illustrèrent un grand nombre de localités dans le département de l’Aube. Bar-sur-Aube, Brienne, La Rothière, Troyes, Nogent-sur-Seine, Méry-sur-Seine , La Ferté-sur-Aube, Arcis-sur-Aube, souffrirent cruellement de la lutte désespérée que l’empereur et son armée soutinrent contre les alliés qui avaient envahi la France et qui étaient dix fois supérieurs en nombre (1814).

Vaincu malgré ses éclatantes victoires, Napoléon Ier, abdiqua (11 avril 1814) à Fontainebleau, et reçut l’île d’Elbe en souveraineté ; puis Louis XVIII, frère de Louis XVI, fut déclaré roi de France (12 avril). Mais une année ne s’était pas écoulée, que Napoléon quittait furtivement l’île d’Elbe, où il avait été exilé, et débarquait à Cannes (1er mars). Le 20 mars il arrivait à Paris. Mais, le 18 juin suivant, il était complètement battu à Waterloo et abdiquait de nouveau le 21 juin. Les armées de l’Autriche, de la Russie, de la Prusse et de l’Angleterre, occupaient une partie du territoire de la France, et le département de l’Aube dut subir l’invasion et, pendant trois ans, l’occupation étrangère. Il ne fut évacué que le 30 novembre 1818.

Pendant la guerre de 1870-1871, il revit les armées prussiennes qui y levèrent des contributions énormes et s’y signalèrent par des actes odieux. Elles ne l’évacuèrent que le 19 août 1871, après une occupation de neuf mois et demi.

Si, pendant la guerre de 1870-1871, l’Aube n’a pas connu de destruction, il n’en a pas été de même pendant la Seconde guerre mondiale, où les bombardements allemands et alliés ont dévasté de nombreux immeubles, ponts, routes et voies ferrées. Aujourd’hui, l’Aube est de plus en plus connue des touristes attirés par son patrimoine artistique et culturel : ses églises de pierres ou à pans de bois (Lentilles), ses manoirs du XVIème siècle (Rumilly-les-Vaudes ou Vermoise), ses grands châteaux des XVIIème et XVIIIème siècles (Villemereuil, Vendeuvre, Dampierre, Brienne, La Motte-Tilly), les richesses de Troyes avec ses neuf églises classées, ses hôtels du XVIème siècle, ses maisons à pans de bois construites après le » grand feu » de 1524, ses vieilles rues et son musée d’art moderne aménagé dans l’ancien évêché.

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